13-14 mai 2013 Lyon (France)

Argumentaire

Workshop

Concepts and Modal Epistemology”

CESC, ENS de Lyon

13 et 14 mai 2013

 

Ce workshop s'inscrit dans le cadre d'un projet plus global concernant les fondements des théories contemporaines des concepts, tant d'un point de vue philosophie que de celui des sciences cognitives. Le but spécifique du workshop est d'étudier les connexions entre la théorie des concepts et quelques tentatives récentes de rendre compte de notre connaissance modale.


En supposant que nous avons au moins quelques connaissances au sujet de ce que qui aurait pu être le cas et de ce qui n'aurait pu être autrement, une première question importante concerne la possibilité d'une telle connaissance. Une explication doit être donnée de la source de ces connaissance, de leur mode d'acquisition et de justification. Telles sont les principales tâches que l'on peut attendre d'une théorie de la connaissance modale.

On a traditionnellement pensé que les concepts ont un rôle à jouer dans une telle entreprise. La concevabilité est traditionnellement considérée, tant chez les empiristes (Hume) que chez les rationalistes (Descartes) comme constituant au moins un guide fiable pour former des jugements de possibilité. Selon une autre tradition, que l'on peut associer par exemple à Kant, les vérités analytiques sont à la fois nécessaires et a priori, de sorte que la connaissance de la nécessité peut être dérivée de la connaissance de connexions conceptuelles entre des significations.

Ces approches traditionnelles ont cependant été sérieusement affectées dans les années 1970 par les travaux de Putnam et Kripke sur la référence et la nécessité. Un consensus a alors émergé dans la communauté philosophique selon lequel des scénarios concevables (qu'Hespérus soit distinct de Phosphorus, que l'eau ne soit pas de composition H2O, etc.) restent néanmoins "métaphysiques" impossibles. Des considérations similaires ont suggéré que la nécessité et l'apriorité ne coïncident pas toujours : il y a des cas de vérités a priori et contingentes ("je suis ici", "le mètre étalon fait un mètre de long") et de nécessités a posteriori ("Bob Dylan n'est autre que Robert Zimmerman", "l'or est l'élément chimique de numéro atomique 79", etc.).

Il est difficile, cependant, de tirer la morale de cette histoire. Deux sortes d'attitudes peuvent être adoptées. L'une d'entre elles consiste à estimer que les approches traditionnelles comportent de graves défauts et que les théoriciens de la connaissance modale doivent partir sur des bases nouvelles. De récentes tentatives fondées sur les contrefactuels (Hill, Williamson) peuvent être considérées comme de nouvelles approches, relaltivement indépendantes des réponses traditionnellement apportées au problème de la connaissance modale. Il n'est pas clair qu'ici les concepts soient amenés à jouer un rôle décisif. L'autre attitude consiste au contraire à conserver l'esprit, sinon la lettre, des tentatives traditionnelles, et de fournir un traitement approprié des cas problématiques de Putnam et Kripke. On peut considérer le bidimensionnalisme épistémique de David Chalmers, ou le fiabilisme modal de George Bealer comme deux manières distinctes d'accomplir ce genre de programme. Dans le cas de Bealer, les concepts jouent un rôle décisif dans l'explication de la fiabilité de nos intuitions modales.

Ceci dit, de nombreuses questions demeurent au sujet du rôle que l'on peut faire jouer aux concepts dans une théorie de la connaissance modale, à supposer qu'ils soient amenés à en jouer un. Et même si l'on suit la tradition, au moins dans son esprit, le rôle exact que les concepts sont amenés à jouer, et le caractère décisif ou non qu'il peut avoir, demandent à être clarifiés.

Concernant le premier point, les rationalistes modérés que sont George Bealer et Christopher Peacocke attribuent un rôle important aux concepts dans leur théorie de la connaissance modale. En particulier, chez Peacocke, les conditions de possession des concepts modaux POSSIBLE et NECESSAIRE jouent un rôle crucial dans sa réponse au défi de l'intégration. Il n'est pas totalement clair, cependant, si ces conditions de possessions, relativement exigeantes, correspondent étroitement aux conditions de possession de nos concepts modaux ordinaires.

Il n'est pas clair non plus que les concepts suffisent à eux seuls à rendre compte de la totalité de notre connaissance modale. Par exemple, il est aujourd'hui admis que des faits constitutifs (relatifs à la structure micro-physique, à l'origine, à l'appartenance à un certain genre de chose) fondent de nombreuses vérités nécessaires. Mais nos connaissances conceptuelles suffisent-elles à identifier les propriétés nécessaires que les objets possèdent en vertu de ces faits constitutifs ? Cette question suggère une limite importante à ce que l'on peut attendre d'une théorie de la connaissance modale axée autour d'une théorie des concepts. S'agit-il là d'une limite insurmontable ? Les explications de la connaissance modale axées sur une théorie des concepts ont-elles les ressources pour expliquer notre connaissance des vérités modales qui dérivent de ces faits constitutifs ?

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